L’accueil social avec le réseau CIVAM

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L’accueil social avec le réseau CIVAM

Par Bernadette Boyé-Longeot

Toutes adhérentes au réseau CIVAM, nous sommes une dizaine, en majorité des femmes, de la région Occitanie (Haute-Garonne, Gers, Tarn-et-Garonne et Lot) à pratiquer cet accueil social.

C’est quoi le CIVAM ?

Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu Rural, ce réseau national regroupe des associations d’éducation populaire et de développement rural.

Constitué de paysans, le mouvement est né dans les années 1950, impulsé par les maîtres agricoles et la ligue de l’enseignement, afin de vulgariser les savoirs et de favoriser l’émancipation du monde agricole et rural. Dans les années 1970, ses membres remettent en cause la course à la mécanisation et cherchent d’autres voies à l’autonomie des agriculteurs, notamment grâce à des activités de diversification complémentaires à la production alimentaire. Les groupes CIVAM cherchent des réponses permettant aux paysans de vivre dignement de leur travail, de maintenir et transmettre leurs fermes en favorisant des campagnes vivantes et solidaires. C’est dans ce contexte qu’est né en 1987 Accueil Paysan, un réseau de paysan et d’acteurs ruraux qui prennent appui sur leur activité agricole ou sur leur lieu de vie pour mettre en place un accueil touristique, pédagogique et social.

Ces deux réseaux ont été sollicités par des associations et institutions publiques dès les années 2000 pour accueillir certaines populations : personnes en difficulté, précaires, retraitées, handicapées, réfugiées.

Accueil de femmes en milieu rural

Pour moi l’aventure a commencé à l’automne 2015, quand j’ai accueilli quatre femmes venues d’un foyer d’hébergement de l’association Aurore à Paris : ces femmes, dont certaines étaient des réfugiées, ont passé dix jours dans mon gîte à Moncalou, petit hameau entre Lot et Dordogne.

Depuis longtemps je pensais me lancer dans ce type d’accueil, et ma rencontre avec Anne deux ans auparavant a été déterminante, car nous avions le même projet, la même démarche, et nous étions prêtes à nous épauler. Alors nous avons adhéré au CIVAM, connu Hélène Boury son animatrice régionale, participé à des formations et des rencontres nationales, qui nous ont permis d’échanger avec d’autres « accueillants », venus de toute la France.

Accueillir et vivre au quotidien avec quatre femmes que je ne connaissais pas m’a demandé un peu de préparation et beaucoup d’énergie. Au début de l’été, Anne avait accueilli un groupe de femmes dans sa maison de famille. Voilà, c’était mon tour ! J’ai beaucoup réfléchi au programme du séjour, sans trop prévoir non plus pour laisser aux femmes que j’allais accueillir le temps qui leur serait nécessaire pour se reposer et « trouver leurs marques ». J’étais quand même un peu stressée à l’idée de recevoir des inconnues. Avec cette petite appréhension, j’ai préparé la maison, j’ai surtout voulu créer un lieu où l’on se sente bien, une atmosphère chaleureuse, avec des bouquins, des revues, des CD… Une copine m’avait donné des pelotes de laine pour faire du crochet : je les ai mises dans un panier, en me disant « on verra bien si l’une d’elles accroche ».

Et puis j’aime beaucoup cuisiner et partager des recettes, j’avais donc prévu toutes sortes d’épices : trois femmes d’origine africaine et une Asiatique, ça donne envie de découvrir d’autres saveurs…

Avant le séjour, les animatrices du foyer avaient rédigé des fiches de liaison avec les femmes, ces fiches étant essentiellement des contrats d’engagement mutuel, qui ne renseignent que sur le nom, l’âge et le pays d’origine. C’est un choix : pas question d’être intrusives dans les histoires personnelles des unes et des autres… C’est important pour elles, qui ont avant tout besoin de ce temps de vacances, de rupture avec leurs tracas quotidiens et leur vie en foyer d’urgence, et pour nous, qui devons avoir un regard neuf et libre de tout à priori.

Malgré le froid de ce mois de novembre, les Parisiennes ont été ravies de leurs vacances. Très vite, elles se sont senties à l’aise au gîte Saint-Pierre. Et les journées se sont écoulées de façon très douce, « on s’est senties comme en famille », m’ont-elles confié à la fin du séjour…

Partage de recette avec JP Costes
Photo Anne Joubert

Extraits de mon journal de bord :

6 novembre : Elles sont chez elles ! Ça me fait plaisir. Elles se connaissent bien, s’entraident, sont adorables. Yangzom fait de très jolis bonnets au crochet avec mes pelotes. Michèle fait briller la maison. À 14h on part chez Francine, ma voisine, qui nous reçoit avec des petits pains aux noix et un gâteau qu’elle enfourne à notre arrivée,génial ! On part en balade, un long moment auprès des chevaux, puis la noyeraie, Francine explique son arrivée sur la propriété, le travail de la noix jusqu’à la fabrication de l’huile. Le thé avec les douceurs, Michèle raconte son périple depuis le Cameroun, la Libye, le désert, la traversée en pirogue jusqu’à Malte, puis 18 mois après, l’avion jusqu’en Allemagne, elle a failli se retrouver en prison après un contrôle… Elle raconte bien, avec force et émotion… en soirée, on regarde le film coréen prêté par Anne, l’histoire d’un petit garçon et de sa grand-mère. Yangzom a pleuré… Elle est allée se coucher après avoir dit « après pleuré, bien dormir ».

9 novembre : Le grand jour ! Transport des 2 soupes enveloppées dans des couvertures pour participer au concours de soupe au Jardin Bourian à Dégagnac.

Puis vient l’attente du verdict : le jury délibère derrière le grand rideau, 9 soupes en compétition, nous avons la N°8, nous sommes tous à table et… la N°8 est la gagnante !!! Alors là !! Cris de joie, Yangzom, Françoise et Marie-Chantal se lèvent d’un bond ! Je suis aussi émue et heureuse qu’elles. Remise du prix, photo, énoncé de la recette. Et, surprise, le vote du public nous désigne encore gagnantes ! Et, cerise sur le gâteau, le président du jury nous offre une journée d’atelier cuisine chez lui dans son restaurant, mais comment faire, elles repartent mercredi… Après discussion avec Jean-Pierre Costes, le chef, nous décidons de le reporter en février si nous trouvons les fonds pour payer les billets de train et si nous avons l’accord de l’association Aurore.

Nous avons eu beaucoup de témoignages de sympathie, d’échanges, et d’invitations : nous avons été invitées chez Romaine et Bob à Moncléra pour visiter leur ferme, la serre et leur production de piments, dont ils nous ont donnés quelques variétés à rapporter à Paris !

Depuis, d’autres séjours ont eu lieu, au rythme d’une ou deux fois par an, soit chez Anne, soit chez moi, avec toujours cette solidarité entre nous. Anne est là lorsque j’accueille et vice-versa. Nous échangeons, nous organisons des journées de sorties à deux, et s’il arrive des situations un peu compliquées dans le groupe à gérer pour l’une, l’autre la soutient, et prend le relais si c’est nécessaire.

Lors d’une rencontre à Paris au niveau national, une autre idée est née : créer un groupe CIVAM-OCCITANIE et accueillir des femmes en situation de précarité ou réfugiées, avec éventuellement leurs enfants. Avec les autres accueillants de la région, nous avons appris à nous connaître : nous nous réunissons régulièrement et démarchons auprès des foyers, associations et réseaux d’accueil pour faire connaître ce projet et lançons un appel pour nouer des partenariats avec des structures locales et régionales.

Contact régional CIVAM : Hélène Boury : helene.boury82@orange.fr

Lien sur le site national du CIVAM : www.civam.org

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